Une campagne anti-alcool pour les jeunes

le 27/09/2023 à 15:48

La nouvelle campagne de prévention du gouvernement, « C’est la base », a été lancée le 25 septembre par Santé publique France.

KLAUS VEDFELT / GETTY IMAGES

La nouvelle campagne de prévention du gouvernement, « C’est la base », a été lancée le 25 septembre par Santé publique France.

PRÉVENTION - « Penser à manger avant de consommer de l’alcool », « Garder un œil sur tes potes en soirée », « Boire aussi de l’eau si on consomme de l’alcool »… Voici le type de conseils prodigués aux jeunes dans la nouvelle campagne de prévention du gouvernement, « C’est la base », lancée le 25 septembre par Santé publique France. Des « gestes de base pour passer une bonne soirée avec ses potes » qui ne font pas l’unanimité.

« Soit on est dans une forme de banalisation liée à l’alcool, ce qui serait totalement absurde et impensable, à la fois de la part du ministre de la Santé et de Santé Publique France, estime le Dr Jimmy Mohamed, dans sa chronique sur RTL mardi 26 septembre. Soit on est dans ce que l’on appelle une stratégie de réduction des risques. »

Une approche qui consisterait à se dire que certains jeunes consommeront de l’alcool quoi qu’il arrive, donc autant les accompagner. « C’est une stratégie qui est utilisée notamment chez les usagers de drogues, chez qui on propose ce que l’on appelait les salles de shoot, compare le médecin généraliste. On propose un cadre pour mieux les encadrer. »

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SANTÉ PUBLIQUE FRANCE

La stratégie est donc destinée aux jeunes qui boiront de toute façon. « Peut-être qu’au lieu de les stigmatiser, de diaboliser, on peut les accompagner avec des messages un peu moins contraignants, pour à la fin boire un petit peu moins », conclut le médecin.

Un message de prévention « ambigu »

Si Jimmy Mohamed présente des arguments pour défendre le message de la campagne, du côté des opposants politiques du gouvernement, elle fait surtout l’objet de critiques.

« 30 morts par jour ( !) évitables dues à l’alcool. Un ‘coût social’ estimé à 100 milliards d’euros, 14 fois celui des drogues illicites type #cannabis. Et la réponse du ministre de la santé c’est ‘buvez de l’eau‘ ? Affligeant ! », a tweeté par exemple le député écologiste Julien Bayou. « Voici donc la campagne sur l’alcool qui a franchi la censure élyséenne. Les alcooliers peuvent être tranquilles : elle ne contient aucun message de réduction de consommation. Du jamais vu », écrit sur le réseau social le sénateur PS Bernard Jomier.

Des détournements parodiques ont également commencé à émerger, comme cette fausse affiche de campagne, qui dit « Manger c’est tricher, j’ai pas raison la team ? C’est la base ».

Mais face aux retours négatifs, le ministre de la Santé assume ce choix. « La santé publique, c’est définir des priorités et choisir des messages. Ils peuvent se discuter bien sûr… Pas notre détermination à lutter contre ce fléau de santé publique », tweetait ainsi Aurélien Rousseau hier, jour du lancement de la campagne.

Sauf que le message en demi-teinte a du mal à passer. Pour les associations de lutte contre les addictions, cette campagne donne des conseils qui ne sont pas contestables, mais seulement quand on boit et quand on boit trop.

« Il y a une partie de réduction des risques, c’est indéniable, reconnaît Bernard Basset, président d’Addictions France, auprès du HuffPost. Mais il n’y a pas que ça. Il y a des formulations ambiguës et qui peuvent être mal comprises. Par exemple le fait de boire de l’eau, ça dit : on peut boire, du moment qu’on boit de l’eau avec. Sur les réseaux sociaux, ça s’est transformé en : tu picoles, c’est la base. Le risque c’est de dire que c’est quasiment une norme de se bourrer la gueule. »

D’autant que les risques liés à la consommation d’alcool ne sont pas rappelés en parallèle, dans une culture française où l’on croit toujours qu’un verre par jour est « bon pour la santé ». « C’est le French paradoxe, souligne le Dr Jimmy Mohamed sur RTL. Alors que toutes les dernières études sont très claires : même une faible consommation d’alcool n’est pas bénéfique pour la santé et c’est ce qu’il faut retenir. L’alcool, ce n’est pas avec modération mais le moins possible. »

Selon les derniers chiffres de l’INSERM : en France, l’alcool est responsable de 41 000 morts par an qui auraient pu être évitées, dont 16 000 par cancer. « Sans compter les handicaps à la naissance, qui concernent aussi les jeunes, rappelle Bernard Basset. La consommation d’alcool par les femmes qui ont un projet de grossesse ou qui sont enceintes, c’est extrêmement risqué pour le fœtus. »

Le poids du lobby de l’alcool

Le poids du lobby de l’alcool, très important en France, est aussi en jeu. Sur X (ex-Twitter), c’est ce qui est pointé du doigt en premier au sujet de la campagne. « Tout ce que les alcooliers les ont autorisés à écrire c’est littéralement ‘pense à t’hydrater quand tu te bourres la gueule !’ et le ministre y voit une campagne contre la banalisation de la consommation d’alcool chez les jeunes. Elle est bien bonne », écrit un internaute.

C’est aussi ce que dénonce Addictions France. « Le problème, c’est qu’on sait que toutes les campagnes de Santé Publique France sont examinées avec une grille de ce qui est considéré comme acceptable ou non par le lobby de l’alcool, souligne Bernard Basset. Cette campagne est acceptable pour eux. »

Il faut dire que depuis son arrivée à l’Élysée, Emmanuel Macron a été accusé plusieurs fois de complaisance envers la filière de l’alcool, notamment par des acteurs de la lutte contre les addictions. Récemment, plusieurs campagnes de prévention ont notamment été retoquées par l’ancien ministre de la Santé et son cabinet, comme le révélait Radio France début septembre. Si le ministère justifiait ces décisions par une « proposition créative » non satisfaisante, la radio invoquait plutôt la répercussion de griefs de la filière alcool sur une campagne diffusée lors des fêtes de fin d’année.

« Le gouvernement n’a pas compris que l’opinion change sur le sujet de l’alcool, estime Bernard Basset. Même les jeunes sont préoccupés par leur santé et leur bien-être. Donc considérer que cette norme sociale de la consommation d’alcool est quasi obligatoire lors des occasions festives, amicales et amoureuses, c’est quelque chose qui est remis en cause. »

À l’issue de la finale du Top 14, samedi 17 juin, Emmanuel Macron avait bu une bière cul sec devant les caméras. « C’est la contradiction de la communication gouvernementale ou présidentielle, conclut-il. Il l’a fait à plusieurs reprises. Ce n’est certainement pas un exemple à suivre et on peut le regretter. »

Date de dernière mise à jour : 27/09/2023

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