le 23/10/2024 à 22:46
Le monde professionnel peut malheureusement devenir le terrain fertile du mal-être au travail. Pressions incessantes, exigences croissantes, environnement parfois toxique… De plus en plus de personnes sont confrontées à ce phénomène qui impacte leurs performances professionnelles, mais aussi leur qualité de vie globale.
Le monde du travail est bien souvent source d’accomplissement et de réussite, mais il peut aussi devenir le théâtre de grandes difficultés et de mal-être. Ce malaise professionnel, qu’il soit d’origine psychologique, relationnelle ou organisationnelle, peut avoir des conséquences dévastatrices sur la santé mentale et physique des personnes concernées. Quels signes doivent alerter ? Où trouver du soutien et comment lutter contre ce mal-être ? On fait le point avec Émilie Perrot, psychologue clinicienne et docteure en psychologie du travail.
Définition : qu’est-ce que le mal-être au travail ?
Le mal-être au travail est un mot-valise qui désigne une réalité complexe à laquelle nous pouvons tous et toutes être confronté(e) s au cours de notre carrière - quel que soit notre secteur d’activité. Comme le soulignent notre experte, il englobe un ensemble d’émotions négatives et de tensions qui s’installent sur la durée dans le cadre professionnel. Il peut prendre plusieurs formes, allant du stress quotidien à des sentiments plus profonds de frustration, d’isolement ou de démotivation.
Quels sont les symptômes de la souffrance au travail ?
Le mal-être au travail peut se manifester de différentes manières et varier d’une personne à l’autre :
un niveau élevé de stress ;
une sensation de malaise ;
un profond sentiment de tristesse ;
une fatigue importante et persistante (notamment liée à des problèmes de sommeil) ;
des sautes d’humeur fréquentes et intenses (les personnes concernées deviennent plus irritables, anxieuses ou déprimées) ;
un absentéisme inhabituel (qui peut être perçu comme une tentative de fuir un environnement de travail stressant ou désagréable) ;
uneperte d’engagement et de motivation ;
unebaisse de productivité (liée à des difficultés de concentration, à un manque d’intérêt ou à une fatigue) ;
des difficultés relationnelles avec des collègues ou des supérieurs hiérarchiques ;
des symptômes physiques, comme une sensation de boule au ventre, des maux de tête, des maux de dos, des problèmes gastro-intestinaux ou d’autres troubles physiques liés au stress ;
une inclinaison nouvelle et grandissante pour l’alcool, le tabac, certaines drogues ou des médicaments.
enfin, le mal-être au travail peut également prendre la forme d’un burn-out, d’un bore-out ou d’un brown-out.
« Les conséquences peuvent être tellement nombreuses et diverses que le diagnostic est parfois difficile à poser. On prend prioritairement en compte le ressenti des personnes concernées », souligne Emilie Perrot.
Causes : pourquoi je me sens mal au travail ?
Les causes du mal-être au travail sont variées et peuvent découler de facteurs externes (pression exercée par les clients, transformations technologiques, évolutions sociétales, etc.), de facteurs internes (le sentiment de ne plus pouvoir "bien-faire" son travail, difficultés organisationnelles de l’entreprise, management agressif, manque de valorisation, etc.) ou de facteurs personnels (ennui, perte de sens au travail, harcèlement moral ou sexuel, discriminations, etc.).
Pression professionnelle et surcharge de travail
L’une des principales sources de mal-être au travail peut être la pression professionnelle, souvent accompagnée d’une surcharge de travail. Les délais de plus en plus courts, les objectifs de plus en plus ambitieux et les attentes de plus en plus élevées peuvent induire un climat de stress constant, impactant la santé mentale des employé(e)s. Les entreprises doivent donc absolument reconnaître l’importance d’établir des objectifs réalistes et, note la psychologue, de favoriser un bon équilibre entre la vie professionnelle et personnelle, note la psychologue.
Manque de reconnaissance et sentiment d’injustice
Le manque de reconnaissance et le sentiment d’injustice sont aussi des facteurs significatifs de mal-être au travail. « Tout le monde a besoin de se sentir valorisé et équitablement traité pour rester motivé et continuer à s’engager durablement », assure Emilie Perrot. Les politiques de reconnaissance, les politiques de "feedbacks" et les opportunités de développement professionnel contribuent à renforcer la confiance des employé(e)s et à créer un environnement de travail plus épanouissant.
Conflits interpersonnels et communication défaillante
Des conflits interpersonnels et une communication défaillante entre collègues ou avec des managers peuvent être des sources majeures de malaise au travail. Les relations tendues entre collègues ou avec la hiérarchie peuvent non seulement affecter le bien-être émotionnel des personnes concernées, mais aussi compromettre la productivité et la cohésion de l’équipe.
« La promotion de la communication ouverte et non-violente, la résolution proactive des conflits et le renforcement des compétences relationnelles s’imposent donc pour limiter les dégâts », insiste Emilie Perrot. Elle insiste sur l’importance de pouvoir développer « la dispute professionnelle » à toutes les échelles de l’entreprise, car une entreprise qui peut encore parler de son travail et des façons de faire pour le réaliser, c’est une entreprise où le conflit interpersonnel est moins fort.
L’isolement et le manque de soutien
Se sentir isolé(e) au travail peut bien sûr conduire à un profond mal-être. Pour cause ? Le manque de soutien social peut accentuer le stress et la pression professionnelle. Pour y remédier, les entreprises peuvent encourager un environnement inclusif favorisant le travail d’équipe et la solidarité entre les employé(e)s.
Télétravail et bien-être au travail
Le télétravail a eu un impact significatif sur le sentiment de bien vivre son travail, affirme Emilie Perrot. Toutefois l'apparente liberté, la grande flexibilité et la réduction de différentes nuisances ne trompent personne... "Ce n'est pas parce que l'on se trouve chez soi que l'on est préservé des enjeux de souffrance au travail", maintient l'experte.
Contrairement à ce que l'on pense encore trop souvent, le télétravail peut aussi favoriser l'isolement social et brouille encore un peu plus la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle, ce qui a pour effet d'accentuer la fatigue et le stress de nombreuses personnes ! "Chacun(e) trouve midi à sa porte : le télétravail peut être bénéfique pour certain(e)s et délétère pour d'autres", conclut Emilie Perrot.
Comment prévenir le mal-être professionnel ?
Comme indiqué ci-dessus, les entreprises ont tout intérêt à mettre en place une organisation de travail qui valorise le bien-être des employé(e)s, mais surtout le « bien-faire ». Cela peut inclure la reconnaissance de la contribution des employé(e)s, la promotion d’un équilibre travail-vie personnelle, et la création d’un environnement où il est tout à fait possible de parler de son travail, et de demander de l’aide en cas de besoin.
Elles peuvent également former leurs employé(e)s à la gestion des risques psycho-sociaux (pas uniquement les RH ou les managers) ou mettre à disposition des ressources de soutien (services d’assistance, programmes de counseling et autres initiatives de promotion de la santé mentale). Autres conseils stratégiques :
Encourager une communication ouverte et transparente (les membres de l'entreprise doivent se sentir à l’aise de partager leurs préoccupations sans crainte de représailles).
S’assurer que les attentes en matière de performance et de comportement sont claires.
Offrir des opportunités de développement professionnel et de formation continue.
Impliquer les employé(e)s dans le processus décisionnel et les encourager à dialoguer sur leur travail
Collègues, supérieurs, ami(e)s... Qui contacter en cas de mal-être au travail ?
« La première chose à faire est de s’autoriser à exprimer un malaise et à demander de l’aide », encourage Emilie Perrot.
Commencez par vous confier à votre famille ou à vos ami(e)s, puis n’hésitez pas à discuter avec vos collègues, avec vos représentants du personnel, avec vos ressources humaines ou avec votre hiérarchie. La communication est un premier pas vers une résolution positive : exprimer ses préoccupations, partager ses émotions et demander du soutien permet bien souvent de contribuer à un environnement de travail plus compréhensif et solidaire, assure l’experte.
Les conseillers en santé mentale ou les services d’assistance aux employé(e)s peuvent aussi offrir un soutien précieux. Sans compter le soutien des psychologues qui permet de s’excentrer pour mieux comprendre le pourquoi du comment on en est arrivé là ! Enfin, si cela s’avère nécessaire, tournez-vous vers votre médecin généraliste pour obtenir un éventuel arrêt de travail.
Bon à savoir : en cas de harcèlement ou de discrimination, si vos signalements internes ne sont pas pris au sérieux, n’hésitez pas à consulter un(e) professionnel(le) du droit du travail.
Solutions : que faire quand on se sent mal au travail ? Comment dénoncer certaines situations ?
« Il faut absolument éviter les passages à l’acte : inutile de démissionner et de tout plaquer en pensant que la situation s’arrangera d’elle-même. Mieux vaut déjà expérimenter la prise de recul pour se reconnecter à son corps, à ses émotions et ses envies », insiste Emilie Perrot. Le travail thérapeutique et la prise en charge médicale peuvent être des appuis pour exercer cette prise de distance.
Commencez par identifier les causes de votre mal-être : celui-ci est-il lié à une surcharge de travail, à un management trop agressif, à une perte de sens ou à un ennui ? Confiez-vous à une personne de confiance citée ci-dessus, puis travaillez étape par étape pour trouver des solutions : définissez des objectifs clairs et réalistes,en accord avec vos capacités et vos limites. Cela vous permettra de réduire votre stress, mais aussi de retrouver un sentiment d’accomplissement au quotidien.
Vous pouvez aussi vous aider de techniques de relaxation comme la méditation, la sophrologie ou le yoga pour retrouver un équilibre émotionnel. Investissez-vous aussi dans des loisirs qui vous procurent du plaisir et du bien-être. Après ce temps de recentrage, vient le moment de réfléchir à la suite… S’il y a eu arrêt, vous pouvez discuter avec votre médecin de la possibilité de reprendre le travail en mi-temps thérapeutique. Discutez avec votre organisation de la possibilité d’un changement de poste ou d’un changement de missions au sein de votre entreprise. Et le cas échéant, explorez de nouveaux horizons professionnels !