le 10/05/2024 à 15:35
La France vit-elle une récession sexuelle ? Indéniablement, selon une étude révélée par l’Ifop*. D’après l'Institut français de l'opinion publique, les habitants de l’Hexagone – tout comme ceux des Etats-Unis et de Grande-Bretagne – n’ont jamais fait aussi peu l’amour, depuis les enquêtes réalisées à ce sujet il y a une cinquantaine d’années.
Les Français n'ont jamais fait aussi peu l'amour depuis 50 ans
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Moins de 8 Français sur 10 ont eu des relations sexuelles au cours des 12 derniers mois
En 2024, seuls 76 % des Français ont eu une relation sexuelle au cours des 12 derniers mois, contre 82 % en 1970** et 91 % en 2006***. Fréquence moyenne des rapports chez les plus de 20 ans ? 6,6 fois par mois, contre 8,9 en 1970. Désormais, seuls 43 % des Français font l’amour au moins une fois par semaine, contre 58 % en 2009 (- 15 points) ****.
Les jeunes de 18-24 ans ont beaucoup de moins de relations sexuelles qu’il y a 20 ans
Et les 24 % d’inactifs sexuels restants ne sont pas nécessairement ceux que l’on imagine. Si les 50-59 ans (35 % d’inactifs sexuels) et les 60-69 ans (39 %) se distinguent par l’absence de rapports charnels durant l’année écoulée, les 18-24 ans ne sont pas en reste. En 2006, seuls 5 % d’entre eux n’avaient pas croqué la pomme au cours de 12 derniers mois. Aujourd’hui, ils sont 28 %. Soit une croissance monstre de… 23 points.
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Pourquoi les Français ont-ils moins de rapports ? Une inactivité sexuelle plus choisie que subie
La moitié des célibataires inactifs sexuellement ne se sentent pas prêts à avoir des relations, même sentimentales
Parmi les célibataires qui n’ont actuellement pas d’activité sexuelle, certains évoquent des raisons contraintes pour expliquer leur situation. 49 % ne trouvent pas de partenaire qui aurait envie d’avoir des rapports avec eux (62 % des hommes) et 45 % pensent qu’ils ne plaisent à personne (61 % des messieurs).
Mais les explications les plus courantes procèdent davantage d’un choix personnel. 63 % des solos qui n’ont pas de rapports invoquent le fait de n’avoir simplement pas encore trouvé de partenaire qui leur donne vraiment envie, 49 % expliquant par ailleurs qu’ils ne se sentent pas prêts à avoir des relations sentimentales ou sexuelles. 30 % affirment, enfin, qu’ils privilégient d’autres domaines (famille, travail…).
Netflix, livres, réseaux sociaux : 31 % des Français ont déjà évité un rapport sexuel au profit d’une activité de loisirs
Et ces priorités prennent parfois la forme de simples distractions : un tiers des Français ont déjà évité un rapport sexuel pour profiter d’une activité de loisirs. 30 % ont déjà passé leur tour pour regarder une série ou un film à la télévision (OCS, Netflix…), 27 % pour lire un livre, 24 % pour consulter les réseaux sociaux et 23 % pour jouer à des jeux vidéo.
Chez les couples cohabitants de moins de 35 ans, ces proportions atteignent même des sommets : la moitié ont déjà préféré une activité de loisirs à une relation sexuelle. 46 % ont privilégié Netflix (50 % côté masculin), 36 % un livre (43 % pour les hommes), 67 % les réseaux sociaux (19 % des femmes) et 35 % les jeux vidéo (53 % des messieurs).
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« Le "temps sexuel" apparaît très nettement concurrencé par le temps passé sur des écrans, analyse François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop. Ils offrent non seulement un moyen de combler ses besoins de sociabilité (réseaux sociaux) et/ou de sexualité (porno en ligne) mais aussi qui tend à cannibaliser le temps passé à deux : les plateformes à la Netflix proposant des productions tellement addictives et chronophages qu'elles réduisent à la fois l'intérêt pour le coït et le temps disponible pour un rapport sexuel. Quant aux célibataires, leur usage intensif des écrans les pousse à un repli sur l’espace domestique qui limite leurs occasions de rencontres IRL [dans la vraie vie, ndlr] et les prive d'opportunités de relations charnelles »
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Le plaisir personnel, parfois préféré au plaisir partagé
L’onanisme a, en revanche, toujours la cote. 30 % des Français ont déjà évité une relation sexuelle pour se masturber avec leur main et 32 % avec de la pornographie, dans des proportions équivalentes chez les hommes et les femmes.
La préférence pour les images et vidéos pornographiques est particulièrement présente chez les hommes de 18-29 ans et 30-39 ans, chez qui les pourcentages atteignent respectivement 41 et 44 % - 26 % et 23 % côté féminin. Par ailleurs, 46 % des hommes et 28 % des femmes ont déjà préféré se masturber avec un sex-toy plutôt que d’avoir un rapport sexuel.
L’inactivité sexuelle est plutôt bien vécue, chez les couples comme les solos
L’inactivité sexuelle, facile à vivre pour une majorité de Français
Etonnamment, la chute des relations sexuelles n’est pas nécessairement source de souffrance. 59 % des Français – 69 % des femmes, 48 % des hommes - estiment que l’absence totale de rapports ne serait pas quelque chose de difficile à vivre. Pire, chez ceux qui sont inactifs sexuellement depuis un an, la proportion culmine à 81 % côté féminin, 65 % côté masculin. Logique, alors, que les Français célibataires déclarent manquer davantage de tendresse (86 %) que de sexe (14 %)
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Même dans le couple, l'absence de rapports sexuels n’est plus un problème
Même au sein des couples, cette inactivité n’est pas un souci. En 2024, la moitié des Français – 54 % des femmes et 42 % des hommes – se disent tout à fait prêts à continuer à vivre avec quelqu’un avec qui ils ne feraient plus l’amour. Chez les femmes de 18 à 49 ans, le pourcentage grimpe même à 58 %, soit 19 points de plus qu’en 2000.
Coté messieurs, ce sont les hommes très féministes (60 %) et les plus de 70 ans (61 %) qui seraient les plus enclins à rester en couple malgré l’absence de relations sexuelles. Les hommes qui s’identifient comme « pas féministes » ne sont que 37 %.
La sexualité, un domaine jugé moins important qu’aupravant par les femmes et les jeunes hommes
Si l’activité sexuelle chute en France, le caractère fondamental de la sexualité dans l'existence subit le même phénomène. Seuls 62 % des femmes accordent de l’importance au sexe dans leur vie, soit une chute de 20 points par rapport à 2006*******.
Les hommes, eux, sont également « seulement » 75 % à estimer que la sexualité est quelque chose d’important dans l'existence. Et si la proportion culmine à 82 % chez les messieurs de 30-39 ans, elle chute à 60 % chez les hommes de 18-29 ans. A cet âge, les jeunes filles sont même plus intéressées qu’eux par la sensualité : chez elles, le pourcentage grimpe à 73 %.
Les femmes font (enfin) moins l'amour lorsqu'elles n'en ont pas envie
En parallèle - et c'est heureux - 52 % des femmes déclarent qu'il leur arrive de faire l'amour sans en avoir envie, contre 76 % en 1981. Des chiffres qui ne doivent pas éclipser un autre phénomène : beaucoup d'hommes, eux aussi, s'adonnent au devoir conjugal sans motivation. 46 % des messieurs font parfois l'amour avec leur partenaire sans désir, dont 15 % assez à très souvent.
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* Étude Ifop pour LELO réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 29 décembre 2023 au 2 janvier 2024 auprès d’un échantillon de 1 911 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
** Rapport Simon.
*** Enquête CSF.
**** Enquête Ifop-Dorcel.
****** Etude Sofres-MF
******* Etude Ifop/Elle.