"En 17 ans, j'ai essayé tous les sites" : à Paris, des groupes de parole pour les déçus des applis de rencontres

le 08/10/2024 à 10:07

Temps de lecture : 3 min

Différentes applis de rencontres. (JIMMY BEUNARDEAU / HANS LUCAS)

Différentes applis de rencontres. (JIMMY BEUNARDEAU / HANS LUCAS)

Il y a 18 millions de célibataires en France, selon l'Insee. Et ils sont nombreux à avoir testé une application ou un site de rencontres. Au point que certains développent une "dating fatigue"(Nouvelle fenêtre), un concept né au début des années 2020 et popularisé par la journaliste Judith Duportail. À l'instar d'un burn-out professionnel, il s'agit d'une lassitude des applications de rencontres trouver l'âme sœur.

Pour lutter contre la détresse et la perte de confiance parfois générées par ces applis, des déçus organisent des petits groupes de parole à Paris, sur le modèle des Alcooliques Anonymes. Après une première réunion en juin, la deuxième s'est tenue mardi 2 octobre au soir, à l'initiative d'un entrepreneur parisien qui écrit un livre sur le sujet.

Désillusion et ras-le-bol

Dans la salle, les chaises sont disposées en cercle. L'ambiance est détendue, avec des bouteilles de vin et des apéritifs disposés au milieu. "En 17 ans, moi, j'ai essayé tous les sites", raconte une participante. "Tindr a perdu 6% de ses membres payants l'année dernière, ce n'est pas un hasard. Il commence à y avoir une prise de conscience, un ras-le-bol", explique Arnaud Poissonnier. L'entrepreneur parisien a eu l'idée de ces rendez-vous après dix ans de "dating" et c'est lui qui anime les débats.

Delphine, une quinquagénaire, assure "ne plus du tout croire ce qui est écrit sur internet".

"Ça nous abîme humainement. Et je qualifie même les sites de rencontres d'exploitation de la misère humaine. Des hommes et des femmes qui sont perdus et qui ne trouvent pas de solution dans la vraie vie."

Delphine, participante au groupe de parole

À 52 ans, Anne-Sophie témoigne de sa désillusion. "Mon problème, c'est qu'ils veulent tout de suite aller au lit, dit-elle. Je lui fais bien comprendre que j'ai passé une bonne soirée et que ça me ferait plaisir de le revoir. Et derrière, il ne se passe plus rien, je n'ai plus de nouvelles." Elle confie "être dans l'abstinence complète depuis deux ans et demi".

Goujateries, infidélités et méchancetés

Julien a 30 ans, il est le seul homme du groupe et est peu loquace, mais il raconte que lors des discussions sur les applications de rencontres, il ressentait la même pression que pour un entretien d'embauche. "Pour les hommes, il y a des critères physiques, de statut social, financiers…", estime-t-il. À ce propos, Louisa Amara, animatrice depuis quatre ans du podcast Single Jungle, sur le célibat assumé, raconte cette anecdote : "Un jeune homme m'a lancé : 'Ça ne te dérange pas, je suis allé manger avant. Comme ça, il n'y a pas de risque que tu me demandes à manger'."

Des goujateries, des infidélités "assez faciles à repérer", disent certaines. Mais aussi des micro-agressions plus violentes : "On m'a déjà dit : 'Tu es charmante mais il faudrait que tu perdes une ou deux tailles avant le premier rendez-vous' ou 'Que fais-tu sur cette appli ? Perds 20 kilos et reviens'. Ça me peinait vraiment."

"C'est une fatigue mentale parce que j'y consacrais de l'énergie et du temps. J'ai fini par aller consulter."

Louisa Amara, animatrice du podcast "Single Jungle"

"J'ai fini par aller consulter une psy et je lui ai dit : 'Je veux juste parler des rencontres pourries que je fais. Ma famille, ça va !'", raconte-t-elle. Aujourd'hui, elle confie avoir renoncé au couple et à la maternité, et dit s'épanouir avec des amants réguliers… rencontrés dans la vraie vie. Il en sera sans doute encore question lors de la prochaine réunion, prévue le 10 décembre.

Date de dernière mise à jour : 08/10/2024

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