le 04/11/2024 à 22:13
Jean et moi, on était dans le même lycée. Il avait un an de plus que moi. A cette époque, j’étais en 1ere et Twitter ne s’appelait pas encore X. C’est d’ailleurs comme ça qu’on s’est rencontrés avec Jean ; un jour, il a répondu à l’un de mes tweets et on a commencé à parler en privé.
« Jean était mon double »
C’était une période assez sombre pour moi. Je n’étais pas très épanouie dans ma scolarité et je me sentais socialement très isolée après de nombreuses disputes avec mes copines. Ma rencontre avec Jean a été une bouffée d’air frais dans un monde où j’avais parfois l’impression d’être mal comprise.
Jean était mon double ; on avait les mêmes passions et on s’entendait tellement bien. Je suis rapidement tombée folle amoureuse et je n’arrêtais pas de me dire : « Ce garçon, je vais passer ma vie avec. Ça ne peut pas être un autre que lui ! »
« Subitement, Jean a mis de la distance »
Quatre mois après le début de notre relation, Jean a déménagé à Toulouse pour poursuivre ses études. C’est là que les choses ont commencé à se dégrader entre nous.
On avait l’habitude de se voir tous les week-ends et, subitement, Jean a mis de la distance. Il a commencé à me ghoster : mes messages et mes appels restaient souvent sans réponse. Même quand on se voyait, je le sentais distant.
« La dynamique était en marche »
J’ai été profondément blessée par son attitude et son détachement soudain. Je suis de nature à parler, à expliquer les choses. Jean se murait dans le silence. Et comme j’ai déjà été trompée par le passé, son comportement a généré beaucoup d’insécurités et de crises de jalousie chez moi.
Jean aussi était très jaloux et très possessif. Il voulait savoir qui je fréquentais, pourquoi j’avais autant d’amis garçons. Je pense que c’est là qu’on a façonné là les murs de notre future prison. Jean réclamait une liberté qu’il était par ailleurs incapable de m’accorder. Et comme je suis de nature à culpabiliser, j’ai commencé à me mettre entre parenthèses. La dynamique était en marche.
« Notre relation était en train de devenir malsaine »
Pour ne rien arranger, Jean mentait beaucoup et me cachait des choses. Notamment sur des relations que je considère comme des tromperies. Il avait pour habitude de parler avec des collègues ou des amies. Ce n’est pas ça qui me gênait, mais plutôt le fait que Jean les drague, entretienne avec ces filles une relation ambiguë.
A chaque fois, avant même de me confronter aux preuves, je le ressentais. Ça venait de mes tripes. Et ça n’a jamais loupé ! Il suffisait que je fouille dans le téléphone de Jean pour trouver des messages sans équivoque.
Quand je faisais part de mes inquiétudes (avérées) à Jean, il niait en bloc. Il me faisait passer pour une folle. « Tu te fais des films, ce ne sont que des copines ! » Et puis, je lui montrais les messages et il avouait petit à petit. Et quand je lui demandais « Et si je te faisais pareil ? » il était catégorique : « Je considèrerais que tu me trompes. Mais pour moi, c’est différent. » Je sentais que notre relation était en train de devenir malsaine.
« Le pire, ce serait de le perdre… »
Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi son attitude ne m’a pas poussée à partir. A chaque fois, je faisais semblant de surmonter la chose et de pardonner. Mais cela n’a jamais été le cas. A chacune de nos disputes, le sujet revenait sur le tapis.
Les mensonges de Jean m’ont rendue moins câline, moins affectueuse. Mais je l’aimais tellement et j’avais si peu confiance en moi que je n’arrivais pas à partir. Je me disais « Si on me traite comme ça, c’est que je le mérite ». Je me répétais « Le pire, ce serait de le perdre… »
« Jean et moi avons commencé à nous renfermer sur nous-mêmes »
Mais le pire, en réalité, c’était de rester. Ça, je l’ai appris après. Enfermés dans nos peurs respectives, Jean et moi avons commencé à nous renfermer sur nous-mêmes. Petit à petit, on voyait de moins en moins nos amis et notre vie se résumait à notre couple.
Mes amis me l’ont d’ailleurs souvent reproché. Autant, ils comprenaient ma dépression et mes problèmes d’anxiété sociale, mais ils n’ont jamais compris la dimension exclusive de ma relation avec Jean. Les conflits avec mes amis m’ont d’autant plus poussée à me renfermer sur mon histoire avec Jean.
En septembre 2020, J’ai déménagé à Lyon pour mes études. J’y ai vu aussi l’opportunité de me créer un nouveau cercle d’amis, de prendre un nouveau départ.
« Il me tirait vers le bas »
A travers ces nouvelles rencontres et mes études, j’ai élargi à nouveau mes perspectives. A ce moment-là, Jean était totalement perdu dans sa vie professionnelle. Moi j’avais des nouvelles perspectives d’avenir et il ne collait pas avec ma nouvelle vie. J’ai un peu honte de le dire mais je n’avais pas envie de me le « traîner ». J’essayais de me reconstruire, mais j’avais l’impression qu’il me tirait vers le bas.
C’est comme ça que j’ai mis fin, une première fois, à notre relation. J’avais besoin de légèreté, de vivre ma vie et de me sentir libre. Deux semaines après, on a été confinés pour la deuxième fois ; ma vie sociale et mes bonnes résolutions en ont pris un coup.
C’est comme ça que Jean et moi nous sommes remis ensemble. Et il est venu s’installer avec moi à Lyon. Ça n’a pas été une période heureuse. Il me reprochait sans cesse de voir mes amis, de sortir. Il me répétait « Tu me laisses ici alors que moi je ne connais personne ». Il savait très bien que ma culpabilité ferait son œuvre.
« On se condamnait à être malheureux ensemble »
En 2022, quand je me suis installée avec Jean à mon retour à Toulouse, j’ai compris que notre relation n’allait plus du tout. On passait tout notre temps ensemble, on s’interdisait de faire autre chose et on ne partageait rien. On ne dormait même pas ensemble car il passait ses nuits à jouer aux jeux vidéo. Je détestais le couple qu’on était en train de devenir. Mais c’était plus fort que nous : on se condamnait à être malheureux ensemble plutôt que de séparer et de vivre l’un sans l’autre.
Je pense qu’au-delà de nos différences, je n’avais plus envie de faire d’efforts pour quelqu’un qui me mentait perpétuellement. Ma priorité était de prendre soin de moi, de ma santé mentale. Je n’avais plus d’énergie à mettre dans ce couple qui ne m’épanouissait pas.
Mon déclic est arrivé quand j’ai pris la décision d’arrêter la fac en novembre 2022. Je me suis demandé : « Qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? Et surtout, qu’est-ce que je fais avec lui ? ». A partir de là, ça a été la descente aux enfers car il m’a fallu encore un an et demi pour le quitter.
« C’est comme ça qu’on a programmé la fin de notre relation »
Je sentais que le fossé était en train de se creuser. Tant émotionnellement que physiquement. Aucun de nous n’était vraiment là.
Je me réveillais la nuit en pleurant et je disais à Jean : « Il faut qu’on se sépare, je n’en peux plus ». Mais aucun de nous ne pouvait s’y résoudre. Je crois qu’on n’était tout simplement pas assez forts mentalement. Et puis, avec nos petits revenus étudiants, on ne pouvait pas se permettre de déménager, ni l’un ni l’autre.
« On a programmé la fin de notre relation »
C’est comme ça qu’on a programmé la fin de notre relation : en septembre, à la fin de mon service civique, je retournerai chez ma mère et ce serait la fin de nous. Mais je n’avais pas prévu l’horreur que ce serait de vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête !
Quand j’y repense aujourd’hui, je suis convaincue qu’il n’y avait pas d’autre solution et pourtant, je me suis détestée de rester dans cette situation. Car je me suis auto-détruite. Pendant cette période, on a été de véritables poisons l’un pour l’autre - et quelque part, je crois qu’on s’y complaisait.
« Jean ressentait une certaine jouissance à me voir culpabiliser »
Je culpabilisais de le voir souffrir à l’approche de notre date butoir. Je m’en voulais de le quitter alors qu’il allait mal. Je pense que Jean ressentait une certaine jouissance à me voir culpabiliser. Quelque part, ça le rassurait. Il se disait que tant que j’étais faible, je n’aurais pas la force de le quitter. Il me disait souvent « Ne me laisse pas, ne me quitte pas ». C’était une sorte de chantage.
Quand septembre est arrivé, encore une fois, il nous a été impossible de nous séparer. C’était trop difficile. Je me suis rassurée en me disant qu’on n’allait plus vivre ensemble et qu’on allait retrouver notre complicité. Qu’on se verrait moins et qu’on serait heureux de se revoir après s’être manqué.
« Le pire n’avait pas été de le perdre mais de rester avec lui en étant malheureuse »
Ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Je n’en pouvais plus, mais la peur de le quitter et de le laisser seul me retenait. Ce sont nos santés mentales qui nous ont fait rester ensemble plutôt que nos sentiments.
Cela a duré jusqu’en mars 2024. Quand on s’est enfin quittés, je me suis sentie délestée d’un énorme poids. Je me sentais légère. C’est là que j’ai compris que le pire n’avait pas été de le perdre mais de rester avec lui en étant malheureuse.
« En trois mois, j’étais une autre personne »
Après notre séparation, j’ai retrouvé ma vie d’avant. J’ai passé du temps avec mes amis qui m’ont ouvert les bras malgré tout. « Tu es à nouveau la Lucie soleil. Tu ne riais plus depuis que tu étais avec Jean. » En trois mois, j’étais une autre personne. Plus vivante, plus heureuse. Telle que j’étais avant de rencontrer Jean. Je sentais que je reprenais le contrôle de ma vie. Ce qui m’importait, c’était d’aller mieux et ça marchait maintenant que j’étais loin de Jean.
Le chemin est encore long, je m’en doute. Et je crois que cette histoire avec Jean me laissera quelques séquelles. Mais j’en retire aussi du positif. Cette histoire m’a fait prendre conscience que le plus important, c’était moi. Et que si on ne m’aime pas comme je le souhaite, il vaut mieux partir. Il vaut mieux partir plutôt que de se contenter du minimum.