Je ne pense pas que je serais capable de raconter le bouleversement que constitue l’arrivée d’un enfant. C’est à la fois un moment inoubliable, intense, mais c’est aussi la fin de la vie d’avant. Plus rien n’est pareil, car on doit désormais s’occuper de quelqu’un d’autre à plein temps. Or, ma vie d’avant était, je pense, assez incompatible en l’état avec l’arrivée d’un bébé.
« Nous avions une manière de vivre très égoïste »
Antoine, le père de Louis, est quelqu’un de très indépendant. Il est musicien et ça fait partie de ce qui m’a plu chez lui au début : toutes ces musiques qu’il inventait, ces mondes à découvrir, c’était magique. Il a besoin de temps, de calme pour créer et je lui ai toujours laissé cet espace.
Et puis ça m’allait bien, je pense que nous avions chacun à notre façon une manière de vivre très égoïste et centrée sur nous-même, souvent chacun de notre côté. Antoine est quelqu’un qui ne prévoit jamais rien et se laisse vivre. Tout est dirigé vers sa musique, le reste n’a jamais eu vraiment d’importance.
Quand je lui ai annoncé ma grossesse, il semblait heureux… en tout cas en apparence. Il m’a promis qu’il serait là pour moi, pour nous. Mais j’ai vite compris que sa vision de la parentalité était différente de la mienne.
« C’est pour qu’il dorme bien chez toi »
Au fil des mois, j’ai vu qu’il n’était pas prêt à changer son mode de vie. Antoine a toujours eu besoin de sa liberté. Il aime se lever à l’aube pour composer, il lui arrive fréquemment d’être en tournée. C’est ainsi qu’il a toujours vécu et il ne conçoit pas de faire autrement. Pourtant, il a continué à me dire « Ne t’inquiète pas, je serai là ». Malgré tout, ça paraissait vide de sens, comme une phrase qu’on répète sans trop y croire.
Parfois, j’y ai cru. Deux mois avant l’accouchement, il est venu avec un petit lit en bois qu’il avait fabriqué lui-même. Il n’est pas vraiment manuel et j’ai trouvé ça touchant qu’il passe des heures à fabriquer ça. L’enthousiasme est assez vite retombé quand il m’a dit « C’est pour qu’il dorme bien, chez toi ». « Chez toi », a-t-il dit. Ça m’a déprimée.
« Il lui parle, puis il repart »
Quand Louis est arrivé, j’ai espéré qu’il changerait. Qu’en tenant son fils dans ses bras, il comprendrait qu’il ne s’agissait plus seulement de lui, de ses rêves ou de sa musique. Mais ça n’a pas été le cas. Antoine est venu à l’hôpital, il a pris Louis avec une tendresse qui m’a brisé le cœur. Parce que malgré tout, je sais qu’il l’aime, qu’il voudrait être ce père présent qu’il m’avait promis. Mais quand je lui ai demandé de venir vivre avec nous, sa réponse a été évasive « J’ai besoin d’espace, je ne sais pas ».
Depuis, il passe quasiment tous les jours. Il s’assoit avec Louis, joue doucement de la guitare pour le calmer. Il lui parle, l’embrasse, et puis il repart. Il me laisse seule avec les pleurs, les nuits sans sommeil, et cette maison qui semble trop grande.
« Je me bats avec cette solitude »
Je me bats avec cette solitude, avec cette idée qu’Antoine ne sera peut-être jamais vraiment là comme je l’espérais. Pourtant, je m’accroche à l’amour que je vois dans ses yeux quand il regarde Louis. Une part de moi espère encore qu’il finira par comprendre ce qu’il perd en restant à l’écart.
Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, mais j’espère qu’Antoine va de plus en plus s’attacher à Louis et avoir besoin d’être plus présent. J’espère qu’il va apprendre le manque, celui que je ressens quand mon bébé est loin de moi. La maternité, c’est un mélange de tellement de choses, il y a des hauts et des bas, mais on sait qu’on ne veut pas revenir en arrière. J’espère donc que l’avenir s’écrira ensemble… à trois !