« Mon mari endosse 90 % des tâches ménagères »

le 19/09/2024 à 13:39

Partage(s) – Olivia, 36 ans : « Mon mari endosse 90 % des tâches ménagères »

 

Comme beaucoup de filles de mon âge, j’ai grandi dans une maison où ma mère faisait tout : les lessives, le ménage, s’occuper de nous, faire les courses. Mon père n’était pas un macho fini et donnait bien quelques coups de main, mais ma mère était tout le temps sur le front.

Je me souviens déjà que petite, ça me hérissait les poils de voir que les femmes étaient traitées différemment des hommes. Quand ma tante nous invitait à déjeuner le dimanche et que mes cousines et moi étions réquisitionnées à la cuisine pendant que mon frère se pavanait tranquillement au salon en mangeant des gâteaux apéro, ça me rendait folle. Je trouvais ça incroyablement injuste.

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« Je me suis retrouvée à la même place que ma mère »

À 20 ans, j’ai emménagé pour la première fois avec un homme. J’ai tenu à peine un an. A ma grande horreur, je me suis retrouvée à la même place que ma mère. En plus de mon travail, je faisais toutes les lessives, tout le ménage, les courses…

Mon copain de l’époque se contentait de lever les pieds pour que je passe l’aspirateur. Je ne compte pas le nombre de fois où je ramassais ses chaussettes négligemment jetées par terre. Ou la vaisselle posée juste à côté de l’évier. Quelqu’un - autre que lui - finirait bien par la faire.

« C’est un excellent moyen de maintenir les femmes sous le joug des hommes »

Plus le temps passait, plus je me sentais en colère d’être reléguée à cette place. Je ne supportais pas de voir mes remarques et mon besoin d’aide balayés d’un haussement de sourcils. J’avais l’impression de ne pas être considérée.

Tout ce que je faisais à la maison était comme un frein à mon propre développement. Les tâches ménagères ne me laissaient pas beaucoup de temps pour lire, pour apprendre, pour ne rien faire… Quand on y pense, c’est un excellent moyen de maintenir les femmes sous le joug des hommes.

« Le changement, il faut parfois savoir l’incarner »

Alors, j’ai décidé de quitter cet homme en me promettant une chose : plus jamais ça. Pendant ma période de célibat, je me suis beaucoup documentée sur la place des femmes dans la société et au foyer. Et une question me taraudait toujours : pourquoi se retrouvait-on toujours à faire la plupart des tâches ménagères ?

Quand j’ai rencontré Jérôme*, j’ai été très claire : je n’assumerais pas cette partie-là de notre vie de couple. J’ai bien conscience que ce n’était pas forcément juste, qu’il payait pour mes expériences précédentes et tous les machos qui avaient croisé mon chemin. Mais inverser totalement les rôles m’apparaissait - et m’apparaît encore aujourd’hui - comme le seul moyen de véritablement changer les choses. Le changement, il faut parfois savoir l’incarner.

« Il endosse 90 % des tâches ménagères »

Jérôme n’a pas trouvé à y redire. Je crois que sinon, ç'aurait signé la fin de notre histoire. Alors quand on a emménagé ensemble, c’est lui qui a pris les tâches du quotidien en charge. Les courses, les lessives, les repas… J’aide bien évidemment Jérôme, mais si je suis honnête, c’est lui qui endosse 90 % des tâches ménagères.

Quand on a eu notre premier enfant, c’est même lui qui a suggéré de prendre un congé paternité. Son entreprise lui offrait la possibilité d’avoir six mois de congé paternité ; Jérôme a proposé de le prendre en totalité et même de rallonger un peu. Alors au bout de trois mois, c’est donc moi qui ai repris le chemin du travail tandis que Jérôme s’occupait de notre fille.

J’ai trouvé ça formidable que Jérôme prenne ce temps pour bâtir sa relation avec notre fille. Je vois aussi comme cela a redistribué les cartes d’une répartition équitable de la charge mentale quant à notre enfant. Je dirais même qu’il pense à plus de choses que moi. Il n’oublie par exemple jamais son livre préféré quand on part en week-end ou tout le nécessaire pour ses coiffures du matin.

« Elle te mène par le bout du nez, elle t’exploite »

Mes copines passent leur temps à dire à leurs compagnons ce qu’il fait prendre avant une sortie en famille. Ou alors ce sont eux qui les sollicitent toutes les deux minutes : « Combien de couches je prends pour le week-end ? Tu sais où sont les bavoirs ? »

D’ailleurs, mes copines trouvent que j’abuse. Elles me taquinent souvent en me disant que je suis une ultra-féministe fainéante. Jérôme, lui, se fait plaindre par ses copains. « Elle te mène par le bout du nez. Tu ne vois pas comme elle t’exploite ». Je trouve ça toujours fascinant de voir que ce qu’on inflige aux femmes depuis des années ne génère pas les mêmes réactions lorsqu’on le fait subir aux hommes.

« Même dans les couples où la répartition se veut équitable, les femmes en font toujours plus »

Mes copines se plaignent régulièrement de leur charge mentale. Même dans les couples où la répartition se veut équitable, elles en font toujours plus. Je sais qu’elles pensent à tout et que leur compagnon se contente d’exécuter les tâches. C’est épuisant pour elles et infantilisant pour leurs maris.

Je me souviens combien cette charge mentale me pourrissait la vie. Combien le fait que mon ex ne me soulage pas de ça générait chez moi une énorme frustration. De la colère même. Je crois que mes copines ressentent ça aussi ; il n’y a qu’à voir tous les conflits que les tâches quotidiennes génèrent dans leurs couples. Bizarrement, entre Jérôme et moi, il n’y a jamais de conflit à ce sujet.

« On reste malgré tout incompris »

On reste malgré tout incompris, Jérôme et moi. Même ma mère, qui a pourtant bien souffert du schéma traditionnel, trouve toujours à redire quand Jérôme prépare le repas et que je prends du temps pour moi. « Le pauvre, tu vas bien lui donner un coup de main tout de même ». Quand j’entends ces choses-là, je me dis qu’on a encore du chemin à faire pour rétablir l’équilibre entre les hommes et les femmes.

Je demande régulièrement à Jérôme si notre manière de fonctionner lui convient et sa réponse est toujours la même : il est en full remote, c’est donc naturel qu’il intègre dans son planning des moments pour s’occuper de l’intendance de la maison et aller chercher notre fille à l’école.

« J’ai hâte que mon petit garçon grandisse avec un autre modèle »

Il a conscience que, en me dégageant de ces obligations-là, je peux aussi me concentrer sur ma carrière et devenir plus performante. Et ça, ça le rend fier. Et je crois que, comme moi, il a envie de faire bouger les lignes.

Aujourd’hui, je suis enceinte de notre deuxième enfant. C’est un garçon. Jérôme va, une nouvelle fois, prendre un congé paternité. J’ai hâte que mon petit garçon grandisse avec un autre modèle. Et j’ai hâte de voir comment ce modèle-là va façonner sa manière de penser et d’envisager les rapports homme-femme.

Date de dernière mise à jour : 19/09/2024

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