le 24/09/2024 à 10:26

« Monsters: The Lyle And Erik Menendez Story » avec Nicholas Chavez dans le rôle de Lyle Menendez et Cooper Koch dans celui d'Erik Menendez.
Il y a deux ans, Netflix a ainsi entamé une anthologie sérielle inspirée de faits réels et dédiée à de célèbres criminels avec la controversée série Monstre : l'histoire de Jeffrey Dahmer créée par Ian Brennan (Glee) et Ryan Murphy (American Horreur Story). Lui étaient reprochés, notamment par les proches des victimes, son sensationnalisme et la glamourisation de ce tueur en série surnommé le cannibale de Milwaukee. Pas de quoi empêcher son fulgurant succès (856 millions d'heures de visionnages en 28 jours !), bien au contraire.
La plateforme a donc logiquement commandé un deuxième chapitre, consacré cette fois à Lyle et Erik Menendez, deux fils parricides dont l'histoire a défrayé la chronique outre-Atlantique dans les années 1990. Les showrunners s'en sont emparés avec la même efficacité et les mêmes travers, convoquant deux acteurs méconnus, Nicholas Alexander Chavez et Cooper Koch, pour incarner les rôles-titres et deux stars, Javier Bardem et Chloë Sevigny, pour les entourer.
Lyle et Erik Menendez : monstres ou victimes ?
En ligne depuis le 19 septembre, la fiction en neuf épisodes ausculte le parcours de ces deux frères, qui, à 21 et 18 ans, ont abattu leurs parents, José et Marie-Louise « Kitty » Menendez, dans leur luxueuse maison de Beverly Hills un soir d'août 1989. Sept ans plus tard et au terme de deux procès très médiatisés – le premier a même été retransmis sur la chaîne Court Tv –, ils ont été condamnés à la prison à perpétuité (sans remise de peine ou libération possible). Leur mobile ? L'argent, selon l'accusation, qui a dressé le portrait de deux privilégiés, obsédés par la fortune de leur père, un self-made-man d'origine cubaine ayant redressé la maison de disques RCA.
Une thèse depuis toujours réfutée par les accusés, qui arguent avoir agi par légitime défense après des années d'abus physiques, psychologiques et sexuels commis par leur père incestueux, sous le silence complaisant de leur mère dépressive et alcoolique.
Dès son prologue, la série soigne ses effets, avec une mise en situation et une bande originale accrocheuse.
Elle invite le téléspectateur à bord d'une limousine aux côtés d'Erik et Lyle, en chemin pour les funérailles de leurs parents. Les Milli Vanilli (groupe populaire des années 1980 dont les prestations vocales avaient été remises en cause) susurrent à la radio « Girl You Know It's True ». Arrogant, l'aîné passe de la colère – contre le chauffeur – à l'enthousiasme hystérique – l'idée de sa future vie –, devant son cadet plus réservé et émotif qui finit par craquer avant de se reprendre, grâce au soutien de son frère. Les deux assistent unis à une cérémonie funèbre surréaliste, invoquant les Milli Vanilli – encore eux – pour un dernier éloge à leur mère : « Girl, I'm Gonna Miss You ».
Une relecture entre le drame et le grotesque
En quelques minutes, le portrait et la relation des deux frères sont dessinés, le ton, entre le drame et le grotesque, donné. Le récit, qui bouscule ensuite la chronologie et multiplie les flash-back pour dérouler la tragique histoire, depuis l'enfance jusqu'aux procès, ne cesse jamais d'osciller entre ces deux genres.

Dans « Monsters: The Lyle And Erik Menendez Story », Javier Bardem incarne Jose Menendez.© MILES CRIST/NETFLIX
À la sobriété des témoignages, qui laissent toute la place à l'émotion et la compréhension (mention spéciale à l'incroyable épisode 5, réalisé en plan-séquence pendant lequel la caméra ne quitte pas une seconde le visage d'Erik détaillant les sévices subis à son avocate), s'opposent la frénésie du montage et l'extravagance de certaines reconstitutions – absurdes jusqu'au risible – qui tiennent à distance l'horreur… mais aussi l'empathie.
Résultat : malgré le talent des interprètes, on finit par rester étrangement détachés devant cette série, dont on peine à saisir le point de vue. Sans compter le malaise devant la frontière ténue entre le documentaire et la fiction, la réalité et le fantasmé.
Le spectateur ne le sait pas plus au bout des neuf épisodes déroutants que le cadet Menendez vient de brocarder : « C'est avec le cœur lourd que je dis que Ryan Murphy ne peut pas être aussi naïf et inexact sur ce qu'il s'est passé sans mauvaise intention […]. Il façonne son horrible récit à travers d'ignobles et épouvantables représentations de Lyle et de moi et des calomnies décourageantes », a-t-il écrit sur Facebook.
Bientôt un troisième chapitre pour l'anthologie
Toujours emprisonnés après vingt-huit ans derrière les barreaux, les deux frères continuent de défendre leur vérité. De nouveaux éléments sont d'ailleurs apparus depuis leurs procès. En mars dernier, l'un de leurs avocats a présenté une lettre d'Erik à son cousin Andy, envoyée huit mois avant le meurtre et récemment retrouvée : « Ça continue, Andy, mais c'est pire maintenant. […] Chaque nuit, je reste éveillé en pensant qu'il pourrait venir. […] Je sais ce que tu as dit avant, mais j'ai peur. Tu ne connais pas papa comme moi. Il est fou ! Il m'a prévenu une centaine de fois de ne rien dire à personne. »
Autre témoignage en faveur des frères Menendez : celui de Roy Rossello. Dans le documentaire Menendez + Menudo: Boys Betrayed, sorti en mai 2023, cet ex-membre d'un boys band accuse José Menendez de l'avoir violé dans les années 1980, alors qu'il avait 14 ans.
Pas sûr que ce soit assez pour faire réviser leur procès, mais largement suffisant pour alimenter un autre documentaire sur leur histoire. Netflix pourrait d'ailleurs s'y intéresser. En attendant, la plateforme a annoncé le troisième chapitre de son anthologie. Il se concentrera sur le tueur en série Ed Gein, qui a sévi dans les années 1950 et qui a déjà inspiré le personnage de Buffalo Bill dans Le Silence des agneaux. C'est Charlie Hunnam (Sons of Anarchy) qui a été choisi pour l'incarner.
Depuis vingt ans et le succès – public et critique – de Soupçon, la série documentaire de Jean-Xavier de Lestrade sur l'affaire Michael Peterson (un romancier soupçonné d'avoir tué sa femme), les histoires de « true crime » ont investi les écrans, petits et grands. Le genre se déploie particulièrement sur Netflix, qui le décline à toutes les sauces et tous les formats entre émissions, documentaires (et notamment l'incontournable Making a Murderer), fictions ou docufictions. Jusqu'à l'overdose ?