Coronavirus: quelle est l'efficacité du confinement ?

le 24/03/2020 à 19:53

 

Alors que la planète se met au ralenti pour limiter la propagation du virus, les habitants de la province chinoise du Hubei considérés comme sains devraient bientôt pouvoir se déplacer librement, deux mois après le début de leur confinement. L'heure est au premier bilan de cette mesure de protection contre la maladie.

La place de la Comédie à Montpellier (Hérault) le 23 mars 2020.

 

Près de deux milliards d'habitants confinés. Le monde entier se calfeutre pour tenter de lutter contre la pandémie de coronavirus. Depuis lundi 23 mars, la France est officiellement en état d'urgence sanitaire pour deux mois, éloignant ainsi la perspective de sortir fin mars du confinement. "Beaucoup de nos concitoyens aimeraient retrouver le temps d'avant, le temps normal, mais il n'est pas pour demain", a prévenu le Premier ministre, Edouard Philippe, en annonçant un durcissement des mesures.

Mais dans le même temps, en Chine, les habitants de Wuhan, où le nouveau coronavirus a été identifié en décembre, sont autorisés à reprendre le travail. Les transports publics redémarrent. Le nombre de nouveaux cas était extrêmement faible ces dernières semaines dans le Hubei, province de la ville de Wuhan, deux mois après le début du confinement. Est-ce la durée nécessaire pour que cette mesure fonctionne ? A partir de quel moment commence-t-elle à être efficace ? Et jusqu'à quand ?

Des premiers effets au bout de deux semaines

Berceau de l'épidémie du Covid-19, la ville chinoise de Wuhan, où le confinement à domicile a été décrété le 23 janvier, sert d'exemple en la matière. "Avant ces mesures [de confinement], les experts estimaient que chaque personne contaminée transmettait le coronavirus à plus de deux autres personnes. Entre le 16 et le 30 janvier, période comprenant les sept premiers jours de confinement, ce ratio est tombé à 1,05", selon une étude relayée par la revue britannique Nature.

Mais il a fallu attendre une semaine de plus pour que les premiers effets se fassent sentir. 

Deux semaines après le bouclage de Wuhan, soit exactement la période d'incubation, les chiffres (de contamination) ont commencé à baisser.Sharon Lewin, professeur de médecine à l'Université de Melbourneà l'AFP

Le délai d'incubation (période entre la contamination et l'apparition des premiers symptômes) est estimé entre 3 et 5 jours en général mais peut s'étendre jusqu'à 14 jours. Rappelons que pendant cette période, le sujet peut être contagieux alors qu'il n'en est pas forcément conscient. D'où l'effet à retardement d'une mise en quarantaine et un nombre de morts qui continue d'augmenter pendant plusieurs semaines après le début du confinement.

Autre exemple : l'Italie. Le pays a été placé en quarantaine totale le 10 mars. Quatre jours après, sans parler de chute du nombre de nouveaux cas, l'augmentation était moins forte : 3 497 samedi 14 mars, 3 590 dimanche 15, 3 233 lundi 16, 3 526 mardi 17. Mais, le 18 mars, le nombre de nouveaux cas repart à la hausse et atteint un pic samedi 21 mars, avec 6 557 nouveaux cas. La courbe amorce sa descente seulement par la suite : selon le bilan officiel publié lundi 23 mars, soit 15 jours après le confinement total de l'Italie, les nouveaux cas ont chuté à 4 789.

L'Italie ne crie pas victoire pour autant. Les autorités sanitaires ont appelé, mardi 24 mars, à "ne pas se faire d'illusions" sur la baisse du nombre de nouveaux cas. "Nous devons examiner les données très attentivement, les analyser sur le plan épidémiologique. Il faut encore attendre quelques jours pour comprendre quelle est la tendance, nous vivons une semaine très importante", a expliqué le président de l'Institut supérieur de la santé de l'Italie. "Un mauvais comportement aujourd'hui aura des conséquences dans les deux prochaines semaines", a-t-il mis en garde.

Notre capacité à être rigoureux dans le respect des règles influencera certainement les évolutions des courbes (de contagion) dans toutes les régions.Le président de l'Institut supérieur de la Santé de l'Italieà l'AFP 

Une courbe de contagion plus longue à aplanir

Face à l'absence de vaccin et de médicaments antiviraux, le confinement apparaît comme la seule solution envisageable, car il permet de mettre en place la "distanciation sociale". Mais pour combien de temps et de quelle envergure ? De nombreux médecins réclament des mesures plus strictes. Certains ont saisi en urgence le Conseil d'Etat pour réclamer un "confinement total". Chaque Etat répond à sa manière. En France, le Premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé lundi de nouvelles restrictions.

"Si chacun diminuait ses contacts quotidiens de 25%, on pourrait s'attendre à une diminution de 50% du nombre cumulé de cas au cours du mois suivant", écrivent les auteurs du site NextStrain, notamment alimenté par des spécialistes des maladies infectieuses. Selon leur dernier rapport du 20 mars, cité par Libération"le confinement ça marche, mais ça prend plusieurs semaines".

 

Pour le Washington Post (en anglais), une distanciation sociale étendue fonctionne mieux encore qu'une tentative de quarantaine. "Une plus grande distanciation sociale maintient encore plus de personnes en bonne santé, et les gens peuvent être tenus hors des lieux publics en ôtant leur attrait à ces derniers", résume le journal.

Car la distanciation sociale sert à autre chose : limiter les morts. Sans elle, au plus fort de l'épidémie, plusieurs centaines de milliers de personnes auraient besoin d'un système de réanimation, selon les projections indicatives réalisées par Le Monde. "Or une large proportion ne pourrait pas recevoir les soins adaptés et risqueraient de mourir, observe le quotidien. La distanciation sociale peut au contraire ralentir l'apparition des cas très graves." 

Un risque de seconde vague à prendre en compte

Le confinement porte ses fruits, mais quand il s'arrête, que se passe-t-il ? "Nous prévoyons que la transmission rebondisse rapidement si ces mesures sont relâchées", estime un porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé. Il appelle à "rester vigilant même si le nombre de nouveaux cas annoncés diminue" car "il est beaucoup trop tôt pour dire que cette épidémie est maîtrisée".

La Chine a fait état mardi de 78 nouveaux cas de Covid-19, dont 74 qui sont le fait de personnes arrivant de l'étranger. Une tendance qui alimente les craintes d'une nouvelle vague de contagion dans le pays. De nombreuses villes ont donc adopté des règles strictes pour mettre en quarantaine les nouveaux arrivants, comme Pékin. Depuis lundi, tous les vols internationaux à destination de la capitale doivent au préalable faire escale dans un autre aéroport chinois où les passagers sont soumis à des examens médicaux. Par ailleurs, toute personne arrivant dans la ville sera soumise à un test de dépistage à partir de mercredi.

Ainsi, pour ressentir les effets du confinement à plus long terme, "il serait nécessaire d'appliquer par intermittence pendant de longs mois ces différentes mesures, allant de l'isolation de cas à la distanciation sociale en passant par la fermeture d'écoles", selon une étude de Neil Ferguson, épidémiologiste à l'Imperial College de Londres, décryptée par le Huffington Post. "Au moindre signe de retour d'un pic épidémique, des fermetures et autres confinements devraient être à nouveau mis en place pour encore une fois endiguer la progression de l'épidémie, explique le site, en attendant d'avoir un vaccin pour en finir véritablement avec le nouveau coronavirus".

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