Covid-19: pourquoi la France n'a pas davantage recours au masque FFP2

le 30/12/2021 à 23:10

 

Une femme tient un masque FFP2 à L'Aquila (Italie), le 28 décembre 2021. (LORENZO DI COLA / NURPHOTO)

 

Plusieurs pays européens ont décidé d'imposer le masque FFP2 dans les lieux publics. En France, le gouvernement ne le recommande pas pour le moment, alors qu'il est pourtant, selon plusieurs études, plus protecteur que son cousin chirurgical.

Face à la déferlante du variant Omicron et aux taux d'incidence record jamais enregistrés depuis le début de la pandémie, certains pays ont décidé d'imposer le port du masque FFP2 dans les lieux publics. C'est le cas de I'Italie, où ces masques, blancs en général et en forme de bec de canard, sont obligatoires depuis le 25 décembre dans tous les transports publics, les cinémas, les théâtres, les musées et les stades. Même obligation en Grèce dans les lieux publics à partir du 3 janvier. Ils sont également préconisés depuis près d'un an en Autriche et en Allemagne, particulièrement en Bavière. 

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Mais si, contrairement à la France, tous ces pays ont décidé d'imposer le masque FFP2, c'est avant tout parce qu'il est plus filtrant et donc beaucoup plus protecteur que le masque chirurgical classique. Selon plusieurs études publiées dans la revue scientifique Nature (PDF, en anglais), le FFP2 – à condition d'être bien ajusté – divise le risque de contaminations par 10 et le masque chirurgical par 3,5 seulement. Et selon l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), il peut être porté pendant huit heures, soit la durée moyenne d'une journée de travail, contre seulement quatre heures pour les autres modèles.

Franceinfo vous explique pourquoi, malgré ses atouts non négligeables, le masque FFP2 n'a pour le moment pas été choisi par le gouvernement pour tenter de freiner la circulation du virus.

Parce qu'il est plus cher qu'un masque chirurgical classique

Le FFP2 protège aussi bien les voies respiratoires de son porteur que celles de son entourage. Composé d'une pièce faciale et d'un dispositif de filtration, il offre à ses utilisateurs une capacité filtrante de 94% des particules fines et toxiques de 0,6 micromètre. Selon une étude (en anglais) des chercheurs des universités de Göttingen (Allemagne) et de Cornell (Etats-Unis), si deux individus portent un masque FFP2 correctement positionné, le risque maximum de contamination entre eux est de seulement 0,4%... contre 30% pour deux personnes portant des masques classiques. "Il est plus hermétique, et évidemment, il a moins tendance à descendre en dessous du nez", confirme à France 2 le professeur Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses de l'hôpital Tenon.

Mais cette efficacité, grâce à ce niveau de filtration inégalé contre le virus, a un prix. A l'unité, un masque FFP2 est jusqu'à six fois plus onéreux qu'un masque chirurgical classique. Il faut compter en effet environ 50 à 60 centimes le masque FFP2 pour un particulier et entre 30 et 40 centimes pour les commandes en gros des professionnels de santé.

Parce que l'imposer pourrait devenir une mesure impopulaire

Si pour le moment le gouvernement a décidé de laisser la liberté aux préfets de région d'imposer ou non le port du masque de son choix dans la rue, comme c'est désormais le cas à Paris et Lyon notamment, exiger le masque FFP2 dans tous les lieux accueillant du public pourrait être vu comme une mesure liberticide. 

Pour que cette nouvelle restriction soit acceptée sans heurt par la population, l'exécutif n'aurait sans doute pas d'autre choix que de le proposer gratuitement, à l'entrée des lieux concernés par exemple. C'est en tout cas l'avis de l'épidémiologiste Antoine Flahault. "Comme le masque FFP2 est plus cher que les autres, si le gouvernement le recommandait, il risquerait d'avoir à le proposer gratuitement dans les cas où il serait exigé et cela pourrait ne pas l'enthousiasmer, et en tout cas ne pas hâter sa décision", confirme-t-il à L'Express.

A moins qu'avec la recrudescence de l'épidémie, notamment depuis Noël, le gouvernement se décide à changer son fusil d'épaule. L'exécutif mise depuis un an sur la stratégie du tout vaccin, conjugée au strict respect des gestes barrières, mais si la courbe des contaminations venait à s'inverser dans les pays qui ont opté pour le port du masque FFP2, il serait sans doute bien obligé de revoir sa copie.

Parce que des ruptures de stock ne sont pas à exclure

Si le gouvernement communique peu sur le masque FFP2, malgré les recommandations du Conseil scientifique pour que ce modèle filtrant soit porté par "les personnes les plus fragiles ou non vaccinées, dès que cela est possible", c'est aussi parce que les stocks ne sont actuellement pas suffisants.

Les autorités françaises disposent actuellement de 600 millions de masques FFP2. Une quantité qui pourrait rapidement se révéler insuffisante si ces masques filtrants venaient à être finalement imposés par le gouvernement et ce même si les industriels locaux – au nombre désormais de 32, contre 4 au début de la crise sanitaire – assurent être capables d'en produire 20 à 25 millions par semaine, selon France 2.

La fabrication des masques FFP2 a été quasiment à l'arrêt entre avril et octobre, "avec une chute de la production d'environ 90%" par rapport à 2020, souligne Christian Curel, le président du syndicat des fabricants de masques F2M sur BFMTV. Le nombre d'emplois de la filière, estimé à 10 000, a même quant à lui été "divisé par deux", notamment face à la concurrence chinoise.

Parce qu'il existe un doute sur la toxicité de certains masques FFP2

Les masques FFP2 contenant du graphène, un matériau très utilisé dans l'électronique pour sa résistance et sa conductivité, doivent être évités par précaution. Faute de données sur la toxicité de ce matériau synthétique, l'agence de sécurité sanitaire Anses a jugé, le 14 décembre, qu'il existait un "manque d'information sur le graphène utilisé par les fabricants et sur la toxicité de cette substance, en particulier à long terme".

En avril, le Canada avait été le premier pays à retirer par précaution, puis à réautoriser, les masques au graphène fabriqués par la société chinoise Shandong Shengquan New Materials Co., soupçonnés de provoquer des problèmes pulmonaires. La France avait fait de même en juin en déconseillant l'utilisation de ces mêmes masques.

Dans une note d'information publiée le 25 mai, Santé publique France avait même demandé "de ne plus utiliser" les masques FFP2 labellisés "Biomass Graphène".

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